Allée couverte de Krec'h Kile

La sépulture mégalithique à entrée latérale de Krec’h Kile "une merveille" à découvrir ou redécouvrir à SAINT-QUAY-PERROS

Un sommeil de plus de 4000 ans

Ce monument a été redécouvert en 1956, par Monsieur Théo DAVID, instituteur au Cours Complémentaire de Perros-Guirec. Bien que situé à quelques dizaines de mètres de la route nationale 786D(déclassé en 1972 RD788), ce monument n’était mentionné dans aucun des inventaires du département. La parcelle avait pour nom « Parc ar Munut » mais les agriculteurs des alentours l’appelaient "le champ des druides"! Sous lande et entourée de talus, la parcelle fut plantée en conifères vers 1950.

En légère déclivité, le terrain présente une altitude d’environ 90 mètres. Le sous-sol est constitué de granite de Perros-Guirec recoupé par des filons de dolérite. La datation par le radiocarbone des charbons de bois trouvés pendant la fouille de 1963/64 a montré que cette sépulture était encore en usage vers 2500 – 2000 avant JC, ce qui correspond à la période de transition entre le néolithique et l’âge du bronze. Alors que les dolmens les plus anciens en Bretagne comme Barnenez près de Morlaix remontent à 4500 avant JC au moins.

Les fouilles de 1963/64

Le monument a été fouillé en 1963 et 1964 sous la direction de Jean L’HELGOUACH avec l’autorisation des propriétaires Monsieur et Madame LE COULS. En 1963, les pins avaient beaucoup grandi (hauteur 10 m et diamètre à la base 40 cm) et le monument était recouvert d’aiguilles de pins. Le nettoyage préliminaire par décapement de la couche d’humus a permis de mettre en évidence une allée centrale et a démontré que l’expansion sur le côté sud était un couloir latéral. Il s’agissait donc d’une « tombe à entrée latérale » de très grande ampleur s’étendant sur 28,50 m d’Ouest en Est et transversalement sur 9 m. Ce monument mégalithique est dénommé « sépulture à entrée latérale » en raison de la position de l’accès à la chambre funéraire. Il n’existe qu’une quinzaine de monuments de ce type en Bretagne. On en a trouvé aussi aux Pays Bas et au nord de l’Allemagne. Comme les véritables allées couvertes à entrée axiale, elle fait partie des tombes mégalithiques les plus tardives de la région. De notables changements interviennent dans les pratiques funéraires à la fin du néolithique. Les tombes mégalithiques deviennent de véritables fosses communes et les architectures s’adaptent aux nécessités. D’une façon générale, la chambre sépulcrale s’allonge considérablement et le vestibule d’accès se réduit. Le tertre extérieur est moins imposant et surtout moins développé en hauteur. Le monument sera restauré de 1964 à 1966.Après ce moment passion scientifique, le monument retomba dans un semi oubli, recevant quand même quelques visites d’amateurs d’histoire.

1989 -1991 : la commune s’approprie le monument

En 1987, la grande tempête du 15 octobre coucha à terre la plus grande partie des pins. La parcelle fut rapidement recouverte par un énorme roncier qui rendit le site de "l’allée couverte" totalement inaccessible. En 1989, le conseil municipal sous l’impulsion de Roland GEFFROY et d’Yvon CALLAC entreprit d’acheter la parcelle sur laquelle était construit le monument puis de remettre le site en état :

      - La parcelle devint propriété communale fin 1989 (acquisition subventionnée à 50% par la Direction Régionale des Affaires Culturelles).

      - Le site fut restauré en 1990/91 (avec l’aide d’une subvention de 50% du Conseil Général).

      - En 1997, un panneau signalétique fut posé sur le site pour l’information des nombreux visiteurs.

Le panneau signalétique posé en 1997

La tombe a été pillée autrefois par des carriers et des chercheurs de trésors et le panneau a lui subi l’agression de vandales contemporains qui ont découpé ses photos au cutter !

Un tertre très bien conservé

Le monument de Krec’h Kile est remarquable par son tertre exceptionnellement bien conservé (sauf à l’extrémité Est) sur près de 1 mètre de haut par endroits. Longue de près d’une trentaine de mètres sur 9 mètres de large, cette butte, de limon éolien de forme (sub)rectangulaire devait à l’origine recouvrir complètement la chambre. Elle est bordée par une alternance régulière de blocs de granite formant contreforts et de panneaux en maçonnerie de pierre sèche. Au centre de l’extrémité ouest, le reste (chicot) d’un bloc plus important représente sûrement la base d’un « menhir indicateur » de cette sépulture, caractère que l’on retrouve dans les tertres tumulaires. Cette enceinte rectangulaire peut avoir été influencée par les enceintes mégalithiques des tertres tumulaires sans chambre de la Bretagne intérieure.

Le tertre vu des angles sud-est et sud-ouest                                 Alternance de blocs et de maçonneries en pierre sèche

Le monument funéraire : une allée centrale avec une entrée latérale

La sépulture mégalithique à entrée latérale de Krec’h Kile fait partie de la vingtaine de monuments de ce type dénombrée dans le massif armoricain. Le nord du Trégor présente un regroupement de quatre d’entre eux : Kerguntuil à Trégastel, Coat Mez à Trévou-Tréguignec, Le Mélus à Ploubazlannec et Krec’h Kile à Saint Quay-Perros. Même si la partie ouest de l’allée centrale a été en partie détruite (par des carriers), l’arrachement des piliers manquants a pu être retrouvé par les fouilleurs. A l’origine, sa longueur totale devait être 15,20 mètres environ entre la dalle de fond à l’Est et la dalle occidentale. Mais un espace important dépourvu de toute structure interne subsiste dans la partie ouest du tertre. Toutes les dalles de la chambre sont en granite de Perros à l’exception de deux pierres qui sont en dolérite. Les blocs non dégrossis sont généralement jointifs à leur base et des murets interstitiels aujourd’hui disparus devaient combler les intervalles au sommet. La face plane des dalles est généralement tournée vers l’intérieur de la sépulture. Les inégalités sont rattrapées par l’adjonction de petites dalles.

Sur la façade sud mais décalé vers l’est, l’accès à la tombe se fait par un court passage (2,90 m de long et entre 1,45 et 1,70 m de large) qui débouche dans la chambre entre deux piliers rapprochés (0,80 m) formant une « porte » derrière une pierre de seuil. La partie à droite en entrant (à l’est) est plus courte, plus étroite et moins haute que l’autre partie (à l’ouest). Une telle asymétrie est de règle sur ce type de monument.

Une stèle sculptée

Presque face au couloir de l’entrée, légèrement à gauche, un des piliers d’une hauteur d’environ 1,80m, porte deux mamelons surmontant un arceau. Cette stèle s’amincit après un épaulement bien marqué. Les éléments sculptés se situent juste en dessous de l’épaulement.

Cette figure dégagée en faible relief par piquetage, correspond à la représentation très stylisée, de la principale divinité vénérée au Néolithique, la "grande déesse" de la fécondité et de la mort évoquée pas ses seins et un grand collier (à moins que ce ne soit ses bras croisés sur la poitrine). Des figurations analogues se retrouvent à Prajou-Menhir (Trébeurden) et à Kerguntuil (Trégastel).

Des gravures sur les pierres de l’entourage

Plusieurs pierres de l’entourage du tertre présentent des gravures. Ce qui n’est le cas que d’une seule pierre de la chambre funéraire . Les gravures sont constituées par des traits plus ou moins profondément creusés, parfois nombreux mais disposés sans ordre apparent. Ces traits sont généralement disposés sur la partie supérieure de pierre donc la partie la mieux exposée. Il s’agit généralement de traits obliques assez profonds et à peu près équidistants recoupés par de nombreux traits plus irréguliers disposés sur des blocs qui ont gardé leur forme naturelle en amande. Sur un bloc en forme de stèle au milieu de la partie ouest de la façade sud, on remarque des traits horizontaux et parallèles disposés perpendiculairement au grand axe. L’un d’eux est particulièrement bien marqué.

Le mobilier funéraire

Le mobilier funéraire recueilli à Krec’h Kile ne représente qu’une partie des dépôts puisque toute l’extrémité ouest avait été vidée avant (sans doute bien avant) les travaux de Jean L’HELGOUARCH qui ont cependant permis de retrouver du matériel lithique, des pièces d’ornement et de la poterie:

       - Le matériel lithique :

            ° deux haches polies (retrouvées dans la partie orientale) : une en dolérite au

               tranchant symétrique et une en silex gris beige.

            ° deux lames de silex : l’une gris jaune et une plus foncée.

       - Des pièces d’ornement :

            ° trois pendeloques en schiste noir : la plus grande, à forme trapézoïdale régulière,

              une autre de forme ovalaire et la troisième plus allongée, presque rectangulaire.

              Toutes les trois ont une perforation biconique.

La poterie

Outre de nombreux tessons, des poteries ont également été retrouvées. Dans un ensemble assez hétérogène on a pu établir la classification suivante:

     - huit vases à fond rond (bols, jattes et écuelle) à peu près entiers de 9 à 20 centimètres de large et entre 7,5 et 12,5

        centimètres de haut

     - quatre vases plus élancés à fond plat en forme de "pots de fleurs" de 11 à 14 cm de large et entre 12 et 21 cm

        de haut.

Ces vases de taille différentes présentent également des pâtes différentes (fines ou épaisses) et des parois d’épaisseur différentes (épaisses ou peu épaisses).

La plus grande partie des objets (vases, haches, lames, pendeloques…) on été retrouvées dans la partie orientale de la chambre ou dans le « coffre » situé entre la pierre de seuil et "la porte" d’entrée dans la chambre funéraire.

                Partie orientale de la chambre funéraire                                        "coffre": entre la pierre de seuil et "la porte"